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LE FOLKLORE*[270]1. On souscrira généralement, croyons-nous, à l'opinion que de nombreuses personnes nous ont exprimée, savoir, que le folklore canadien constitue un secteur important, bien que négligé de notre histoire et de nos traditions. On connaît bien le travail accompli par le Musée national et, en particulier, par M. Marius Barbeau, qui collectionne et publie depuis quarante ans des documents de folklore. Nous avons d'ailleurs déjà traité cette question dans un chapitre antérieur. Grâce à ce labeur, il existe, mais, dans une large mesure encore sous forme manuscrite, une très grande collection de chansons du folklore indien, canadien-français et anglo-canadien, notamment 12,000 textes français de chansons de folklore, 6,000 enregistrements de chansons canadiennes-françaises, des centaines de textes et d'airs de chansons anglo-canadiennes, et, en outre, quelque 3,000 chansons indiennes de toutes les régions du pays. De plus, le Musée national a réuni des milliers de versions de mythes, de récits, d'histoires et de mots drôles du terroir, ainsi que des descriptions détaillées de jeux et de danses. Comme nous l'indiquons plus haut, une grande partie de ces documents restent encore à classer et à publier, car ce qui a été recueilli dépasse de beaucoup les moyens dont dispose le Musée pour publier les résultats de ce labeur considérable qui se poursuit depuis environ deux générations. 2. Les travaux de l'Institut de folklore de l'Université Laval, où la première chaire de folklore du pays a été fondée en 1944, sont probablement moins bien connus que les travaux du Musée national, du moins chez les Anglo-Canadiens. Laval a établi cette chaire afin de faciliter l'étude, la description et l'explication des moeurs, coutumes, croyances et institutions du peuple canadien, ainsi que la langue et la littérature populaires, en les comparant au folklore étranger. Les folkloristes de Laval ont entrepris la compilation d'une bibliographie d'éléments du folklore canadien qui exige une lecture attentive de livres, de revues et de journaux publiés au Canada ou sur le Canada. Ils ont aussi constitué une importante bibliothèque de manuscrits et se procurent copie d'importants documents conservés en d'autres institutions. Laval a découvert et collectionné plusieurs manuscrits parmi lesquels on remarque des chansonniers, des livres de recettes et des recueils de remèdes du terroir. 3. Dans la mesure où ses fonds restreints le permettent, l'Institut collectionne aussi des objets anciens, autrefois d'usage courant et maintenant désuets ou sur le point de le devenir : outils, meubles, instruments de travail, et ainsi de suite. Toutefois, dans le domaine du folklore, la source de [271] renseignements la plus importante et la plus précieuse, ce sont les souvenirs et l'expérience des témoins du passé qu'on peut encore interroger. C'est pour cela que, sous la direction de l'Institut se poursuivent des enquêtes approfondies et étendues sur tous les aspects du folklore, dans les régions où subsistent encore les coutumes traditionnelles. On a procédé à des études dans diverses parties du Québec au sujet des coutumes, et des jeux et danses d'enfants. Il en va de même de la musique du terroir, ainsi que des contes et chansons traditionnels, des festivals et coutumes populaires. On nous dit que plus de mille contes ou chansons populaires non encore recueillis ont été enregistrés par des étudiants et spécialistes, sous la direction de l'Institut de folklore de Laval. 4. Outre ce travail très poussé de recherches et de classement, l'Institut de folklore donne des cours. Par suite des enquêtes précitées, il a été possible d'organiser des cours spéciaux sur des questions comme les dialectes du parler canadien-français, par comparaison avec les dialectes de France dont ils sont issus. Des leçons de ce genre ont attiré des étudiants des États-Unis et des Canadiens de langue anglaise. 5. Cet Institut de folklore publie, depuis 1946, avec l'aide du Musée national, un ouvrage semestriel intitulé : Archives de folklore. Il a établi et entretient des relations suivies avec les organismes de folklore d'une vingtaine de pays. Les Archives de folklore, qui ont reçu, dit-on, un accueil enthousiaste de certains pays étrangers, n'ont obtenu qu'un encouragement relatif ici même. L'Institut de folklore voudrait être en état de compléter sa bibliothèque et d'entreprendre des collections plus méthodiques pour son musée. Il tient aussi, comme le Musée national, à mettre à la disposition du public, sous forme imprimée, les résultats de ses recherches sur place, auxquelles il aspire d'autre part à donner plus d'ampleur. 6. Nous avons appris avec intérêt ce qu'accomplit au Manitoba la Société historique de Saint-Boniface, qui s'efforce de rassembler les vestiges d'histoire populaire et de folklore en enquêtant chez les pionniers, tant français que métis, à qui est familière l'histoire des premiers temps de la province. On oublie parfois que plus de trois siècles se sont écoulés depuis la venue d'explorateurs français dans ce qu'on appelle maintenant le Manitoba. Et l'on a découvert, chez les groupes français du Manitoba, des chansons et des histoires qu'on ne trouve nulle part ailleurs, ni au pays, ni aux États-Unis. On nous a dit aussi qu'il existe encore au Nouveau-Brunswick un fond étendu de tradition de folklore et de vieux chants français et anglais qui restent à recueillir. Grâce à une donation privée, on s'efforce maintenant de rassembler ces vestiges du passé avant qu'ils ne disparaissent ou qu'on ne les oublie. 7. Nous souscrivons à un point de vue qu'on nous a souvent exprimé et d'après lequel les diverses formes du folklore représenteraient un élément [272] essentiel de notre vie culturelle. Pour beaucoup de nos gens, les traditions du folklore sont certes plus vivantes et fécondes que l'histoire du Canada, sous la forme plus conventionnelle de son enseignement dans nos écoles et collèges. Chose indéniable, la culture nationale de plusieurs pays plonge ses racines les plus vigoureuses et trouve une bonne part de sa substance dans la musique, les danses et les récits du terroir, et, en général, dans les traditions populaires. Ce serait, croyons-nous, un fait déplorable et même une perte pour la nation si, par négligence ou indifférence, on laissait se perdre le vieux fond musical, artistique, artisanal et traditionnel du terroir, tel qu'il s'est manifesté dans les traditions de nos divers groupes ethniques. 8. On nous informe qu'il existe au pays au moins soixante-quinze sociétés historiques d'ordre local et qu'une partie de leur travail comprend le champ vaste et assez mal défini du folklore. Mais le grand public est trop peu au courant des réalisations et de leurs projets. Même les sociétés qui s'intéressent à ces questions ignorent trop souvent l'oeuvre accomplie par d'autres dans le même domaine. Malgré son caractère régional, le folklore canadien est d'intérêt général et pourrait contribuer à un degré important à fortifier l'esprit national et la concorde. C'est probablement pour cela que nous avons entendu très souvent des suggestions à l'effet qu'on trouve enfin les moyens de mettre à la portée du public ces nombreux documents qu'on a réussi à collectionner mais qui ne sont pas publiés. La gratitude des Canadiens devrait être acquise aux sociétés et aux spécialistes qui, avec un dévouement dont on ne tient pas compte suffisamment, ont préservé pour l'avenir tous ces fragments à la fois précieux et attachants de nos multiples traditions nationales. *Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé. |