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Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada
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postes privés. À Winnipeg, pour les émissions non commanditées, la Winnipeg Musicians' Association a touché, en 1947, $94,375 de Radio-Canada et $1,950 des postes privés; en 1948, $80,609 de Radio-Canada et rien des postes privés. À Toronto, d'après la statistique de l'American Federation of Musicians, les exécutants ont touché, en une récente année, $382,000 de Radio-Canada et environ $30,000 des postes privés (16). Il n'est que juste d'ajouter que Radio-Canada organise à Toronto des émissions très coûteuses destinées à tout le pays.

33.   La façon dont Radio-Canada s'acquitte de ses responsabilités envers les artistes n'a pas reçu que des éloges. On a formulé à Toronto de vives critiques quant à l'insuffisance des honoraires versés aux auteurs d'œuvres destinées à la radiodiffusion.

« Il est évident que Radio-Canada assure les moyens d'existence aux administrateurs, techniciens, acteurs, speakers et directeurs, — dont aucun n'a vraiment à exercer à la radio de talent créateur, — et rétribue très mal les auteurs dont les oeuvres atteignent souvent de vastes auditoires et dont les idées et le talent créateur peuvent fournir tous les éléments d'une production soignée » (17).

Un autre groupe a démontré, par une sérieuse analyse et en faisant abstraction de toute autre considération, à quel point sont mal rétribuées les heures de travail de l'écrivain de la radio.

34.   Presque toutes les régions du Canada, sauf naturellement Toronto et Montréal, sont à un rare degré unanimes à se plaindre de la centralisation excessive de la production des émissions de Radio-Canada. À Regina, on nous a signalé que le projet officiel du gouvernement fédéral, lors de la prise en charge de la radio, visait à présenter des émissions émanant le plus souvent possible de chacune des provinces. Une telle ligne de conduite n'a été suivie que pendant un an ou deux. L'influence d'une émission de portée nationale sur le moral d'un artiste est aussi importante à ses yeux que ses honoraires. Radio-Canada n'a pas mis en doute la qualité des orchestres locaux; toutefois, les émissions régionales sont plus coûteuses. On prétend d'autre part, dans les centres moins considérables, que, abstraction faite de la qualité, les émissions régionales offrent un intérêt qui leur est propre. Les Canadiens qui s'intéressent à la musique veulent entendre des musiciens de diverses régions du pays. Il ne s'ensuit pas qu'on ne s'intéresse pas sincèrement à la qualité de l'émission. L'Orchestre symphonique de Victoria a exposé ses titres à l'attention publique; il ne veut cependant rien obtenir aux dépens de l'Orchestre de Vancouver qui, au dire du témoin (le chef de l'Orchestre symphonique de Victoria), est une organisation d'importance nationale. Un groupement de la ville de Québec a signalé avec chaleur que les musiciens québécois n'obtiennent pas la part qui leur revient des émissions de Radio-Canada, ce qui, non seulement est injuste à leur égard, mais préjudiciable à la vie culturelle de leur ville. Ces

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observations nous semblent ne s'inspirer en général d'aucun esprit de clocher. Si la décentralisation de la production, en ce qui concerne la musique, a fait l'objet de commentaires de la part des groupements professionnels de musiciens le même problème de décentralisation a été soulevé par des associations d'art dramatique ainsi que par des représentants du grand public qui y portent un très vif intérêt.

35.   Les émissions et services radiophoniques locaux des postes privés ont fait l'objet d'une étude approfondie. Aux séances publiques et dans des entretiens particuliers, les gens ont rendu un chaleureux hommage au travail des postes privés, surtout à ceux qui desservent les régions isolées. Ces postes ont des émissions d'un caractère fort utile, comportant l'annonce des tempêtes, des messages destinés aux malades ou venant de leur part, des avis aux habitants des régions rurales au sujet de télégrammes ou de denrées périssables arrivés à leur adresse, sans parler du concours qu'ils apportent à l'activité communale des centres urbains. Le rôle que joue le poste local, par exemple, à Terre-Neuve et dans la Colombie-Britannique centrale, se confond à peu près avec l'activité de la collectivité elle-même (18).

36.   Des groupes bénévoles ont fort insisté sur ce sujet. Non seulement divers organismes nationaux, mais un certain nombre de groupements des Prairies, des provinces Maritimes et d'ailleurs ont formulé des réflexions judicieuses sur l'importance du poste privé. Un groupe de personnalités de Charlottetown dit: [sic] "Sur le plan local, l'apport des postes privés dépasse tout ce que peut espérer réaliser Radio-Canada, parce que le personnel de la société d'État n'est pas au courant des mille et un détails qui varient d'une collectivité à l'autre et dont chaque collectivité veut néanmoins entendre parler » (19) .D'autres insistent sur l'importance d'un moyen local d'expression; on nous a dit également que [sic] "c'est en demeurant un complément et un supplément de Radio-Canada que les postes privés servent le mieux et peuvent le mieux servir l'intérêt public » (20).

37.   La teneur générale des émissions des postes privés a été l'objet cependant de critiques assez vives. On accuse ces postes de pousser à l'extrême l'erreur qui apparaît aussi parfois dans les émissions de Radio-Canada et qui est de sous-estimer le goût du public. Il a été question du grand nombre d'émissions enregistrées sur disques, d'une trop faible utilisation des talents personnels, du manque général d'intérêt envers les émissions culturelles. Par ailleurs, on a fait l'éloge de certaines émissions, par exemple, celles du Bureau de Radiodiffusion de la Canadian Association of Broadcasters. On a loué d'autres émissions de nature variée, radiodiffusées dans diverses régions du Canada par huit ou neuf postes privés. On a accordé une mention honorable aux émissions des postes privés portant sur des sujets religieux, des leçons de français et des événements particuliers d'intérêt local. Ces éloges ne suffisent pas, même si l'on tient compte du nombre des témoignages reçus, à mettre sérieusement en doute la déclaration de

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portée générale du Canadian Writers Committee d'après laquelle « (les postes privés) méritent à peine une mention dans le domaine des émissions culturelles » (21). L'Alberta Federation of Agriculture, qui appuie avec énergie la radio nationale, soutient que, la radiodiffusion étant pour les postes privés une question d'ordre purement commercial, il n'est pas raisonnable d'en attendre des émissions culturelles. On garde en général l'impression que, à quelques notables exceptions près, on considère comme d'une qualité plutôt pauvre les émissions culturelles de la radio privée; certains sont d'avis qu'il est possible de les améliorer et que Radio-Canada doit l'exiger; d'autres estiment que le rôle principal des postes privés consiste à radiodiffuser les nouvelles d'intérêt local ainsi qu'a rendre d'autres services particuliers au public, et qu'on ne saurait s'attendre à beaucoup plus de leur part.

38.   La réclame commerciale, et c'est là un sujet général de grief, bien qu'elle ne soit pas aussi effrénée qu'aux États-Unis, prend des proportions exagérées. Nombreuses sont les requêtes exigeant que Radio-Canada réduise le temps consacré aux émissions commerciales; plusieurs organismes pensent que la société d'État devrait renoncer entièrement au domaine commercial. Dans un document précis et circonstancié, la Canadian Association for Adult Education révèle les effets, dans sa sphère d'activité, des émissions commanditées par les commerçants. On a constaté que les émissions commerciales de Radio-Canada qui, en 1947-1948, ne prenaient que 17.7 p. 100 de tout le temps consacré à la radiodiffusion, absorbaient, durant une semaine donnée du mois de février de la même année, au cours des heures d'audition les plus favorables, c'est-à-dire de 7 heures à 10 heures du soir, 50.8 p. 100 du temps au réseau transcanadien et 59.7 p. 100 au réseau national. Nous avons appris que la radiodiffusion commerciale absorbait 59.1 p. 100 du même temps au réseau français de Radio-Canada. Bref, plus de la moitié de la période d'audition radiophonique la plus favorable et qui devrait être réservée aux programmes d'intérêt général est consacrée à des programmes commandités. Tout en ayant théoriquement la haute main sur la radiodiffusion de la réclame, Radio-Canada n'est pas toujours capable, dans la pratique, de jouer son rôle à cet égard. À l'encontre des vœux explicites de ses auditeurs, Radio-Canada, à la demande d'une maison qui fait une importante publicité dans tout le pays, a consenti à reporter à une heure inopportune pour la plupart des familles la période d'émission du Citizens' Forum. On nous signale un incident analogue au réseau français. Les commanditaires sont parfois laissés libres d'exiger des dispositions spéciales pour leurs émissions; ils peuvent s'opposer, par exemple, à toute conférence ou émission radiophonique d'un caractère sérieux au moins pendant l'heure qui précède leur émission.[sic] "Ce n'est là qu'une ombre du genre de tractations qui sévissent dans la radio-diffusion américaine et qui lui ont donné son caractère » (22).

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39.   Nous avons entendu, de la part de groupes faisant autorité, de vives critiques au sujet des “feuilletons radiophoniques”, que certains cependant défendent sous prétexte que ces émissions apportent un divertissement ou une détente, surtout à ceux que leurs fonctions ou quelque infirmité retiennent à la maison. Une étude spéciale, préparée à notre intention, de douze romans-feuilletons diffusés pendant le jour au réseau français de Radio-Canada révèle que « de toutes ces émissions, une seule, Métropole, est une œuvre faite ». Les autres tombent dans le mélodrame, l'irréel, l'abus des lieux communs et des clichés. Ce jugement porté sur les feuilletons radiophoniques en français ressemble fort à celui qu'a rendu sur les oeuvres anglaises de ce genre la Ministerial Association of Greater Winnipeg.

« Quoi qu'il en soit des observations que les quotidiens attribuent au président du Bureau des gouverneurs de Radio-Canada au sujet des effets salutaires des «  feuilletons radiophoniques »sur la tension nerveuse et psychologique des individus, nous croyons que ces bienfaits, si l'on peut dire, sont éphémères et que l'exploitation quotidienne de l'irréel et d'une fausse sentimentalité ne peut qu'être nuisible » (23).

40.   Il serait inexact de dire que, règle générale, toutes les opinions exprimées sur les feuilletons radiophoniques sont aussi sévères que celles que nous venons d'exposer. Nous avons cité ces dernières parce qu'elles émanent de sources qui font autorité. D'autre part, un certain nombre de groupements ont soutenu que le feuilleton radiophonique calqué sur la vie de tous les jours jouissait d'une grande popularité et qu'il y aurait simplement lieu de remplacer éventuellement les moins satisfaisants d'entre eux par d'autres de qualité supérieure et d'inspiration canadienne.

41.   Indépendamment des objections particulières que soulève la diffusion quotidienne des romans-feuilletons, on nous a exposé que la commercialisation de la radio tend à produire un effet déplorable sur la composition de plusieurs émissions. Deux groupes d'écrivains ont accusé la radio commerciale de limiter l'invention créatrice des auteurs et de les forcer de s'abaisser jusqu'au niveau de la médiocrité. Même à ce niveau il est rare qu'on fasse appel à leurs services. En conséquence, nous a-t-on déclaré : « La radio commerciale canadienne n'exprime que très peu de choses de l'âme canadienne » (24).

42.   Pour résumer les diverses opinions qu'on nous a exposées dans toutes les parties du pays au sujet de la radiodiffusion en général, répétons que les Canadiens sont manifestement satisfaits des émissions non commanditées de Radio-Canada, bien qu'ils voient la possibilité d'amélioration même en ce domaine. Ils aiment ce qu'on leur donne dans l'ensemble, mais ils désirent encore plus de bonnes émissions et des émissions d'une qualité plus élevée. À plus d'une reprise, nous avons entendu affirmer que Radio-Canada sous-estime le goût du public et, dans chaque partie du pays, on a formulé la demande, déjà mentionnée, que la radio nationale serve


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d'instrument d'éducation et de culture. Le Canada de langue française s'exprime avec une netteté particulière à ce sujet et même, en un certain cas, avec sévérité, non seulement à propos des émissions mais même du personnel : « Pour cette même Radio (Radio-Canada), il nous semble que, vu son importance pour la culture canadienne, un homme de lettres (ici encore nous entendons ce mot dans son sens le plus large) soit appelé à la haute direction avec les techniciens » (25). Certains programmes d'intérêt local des postes privés ont fait l'objet de sévères critiques. Mais on a déploré la commercialisation aussi bien dans le cas de Radio-Canada que dans celui des postes privés.

43.   Outre les observations relatives à la qualité de la radiodiffusion, nous avons beaucoup entendu parler du rayonnement territorial des postes, question étudiée de deux points de vue différents. Tout d'abord, des gens des provinces Maritimes, du sud-ouest de l'Ontario, de la région ontarienne située à l'ouest des Lacs, du centre de la Colombie-Britannique et du Yukon se sont plaints, parfois avec amertume, de l'insuffisance ou même du manque de rayonnement de la radio dans leurs régions. En second lieu, des groupes de langue française des provinces Maritimes et de l'Ouest ont déclaré que, à toutes fins pratiques, la radiodiffusion ne les dessert aucunement, au double point de vue linguistique et culturel. À l'heure actuelle, le réseau français dessert l'Ouest canadien par ondes courtes de midi à minuit, et l'Ontario et le nord de Québec, pendant seize heures. Il s'y ajoute des émissions enregistrées. On demande, expressément, un service plus complet et, en particulier, un réseau français d'envergure nationale; en outre, on réclame un second réseau de langue française dans le Québec. Des postes privés de langue française de l'Ouest ont exprimé l'avis que, en attendant la réalisation de ces projets, Radio-Canada pourrait leur confier certaines de ses émissions de langue française, leur assurer gratuitement le service d'enregistrement de ces émissions et leur verser une subvention pour celles de leurs propres émissions qui, compte tenu de la qualité, pourraient être retransmises par les postes de Radio-Canada.

44.   Dans les sociétés bénévoles, notamment dans les associations spécialisées qui s'intéressent aux arts et aux lettres ou aux possibilités éducatives de la t.s.f., nous avons constaté l'unanimité de sentiment sur les besoins et les objectifs de la radio canadienne. On demande avec instance l'amélioration du rendement, un souci plus considérable des besoins des groupes minoritaires, une intelligence plus grande de la capacité et du désir du public d'épurer son goût et d'élargir la sphère de son intérêt. Les émissions musicales de Radio-Canada, affirme-t-on, sont un bel exemple de ce qui peut être fait dans cette direction.

45.   Toutefois, nous n'avons pas restreint notre étude des émissions de la radio canadienne au point de vue de l'auditeur moyen. Nous nous sommes livrés nous-mêmes à un examen précis de la nature des émissions


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des postes canadiens, et nous avons pris un soin particulier d'établir la comparaison entre les émissions des trois réseaux de Radio-Canada et les émissions des postes privés (26) . Nous avons constaté, d'abord, que les réseaux de Radio-Canada s'en tiennent à l'idéal qu'ils se sont fixés de présenter un programme d'émissions bien équilibré. On trouve le temps qu'il faut pour la musique dite populaire, le théâtre, la musique sérieuse, les nouvelles, les sports et les commentaires, les conférences, les programmes de variétés, les programmes éducatifs pour les enfants et les émissions religieuses, en suivant à peu près cet ordre d'importance. Si le réseau français consacre plus de temps à la musique sérieuse qu'au théâtre par ailleurs les grandes lignes du programme des émissions sont en somme les mêmes, aux réseaux français et transcanadien. Le réseau national, qui offre des émissions d'un ordre plus léger, le soir seulement, accorde une attention particulière à la musique populaire et aux programmes de variétés. Les trois réseaux donnent nettement moins de temps aux émissions pour enfants, aux émissions éducatives ou religieuses. Parmi ces trois réseaux, le transcanadien est celui qui réserve le plus de temps, soit 7.6 p. 100 en tout, à ces trois genres d'émissions (27).

46.   Que l'équilibre soit conçu et maintenu comme il le faudrait, voilà qui fait l'objet de grandes divergences d'opinion, il va sans dire. Mais on ne saurait douter que les émissions répondent à des goûts très divers et que les minorités, même les moins considérables, ne sont pas oubliées. A notre sens, Radio-Canada, s'appuyant sur le principe qui veut que « la valeur totale d'une émission peut être déterminée par la valeur qu'elle a pour chaque personne qui écoute, multipliée par le nombre d'auditeurs », se préoccupe à juste titre non seulement du nombre des auditeurs d'une émission mais du volume d'information ou de culture qu'elle peut leur apporter. Le “ Wednesday Night” offre un exemple remarquable de cette conception éclairée. Ce programme, comme nous l'avons déjà noté, a été accueilli avec enthousiasme. Des programmes de ce genre radiodiffusés en réseau indiquent qu'on se préoccupe non seulement de combler les désirs d'un petit nombre d'amateurs mais de cultiver en même temps le goût dans les auditoires plus vastes. Par malheur, l'insuffisance de ses ressources financières ne permet pas à Radio-Canada de se livrer, à une échelle satisfaisante, à une enquête systématique sur ce point auprès des auditeurs. Aucune affirmation définitive n'est donc possible à ce sujet.

47.   Nous avons constaté, d'autre part, que les nombreux éloges accordés au caractère bien canadien des émissions de Radio-Canada étaient fondés. De plus, dans le domaine musical et théâtral, on a maintenu un niveau élevé. On a aussi obtenu l'effet stimulant d'une rivalité amicale grâce à l'échange d'émissions régionales et grâce à l'activité de groupes de discussion, établis à l'échelle nationale par des organisations bénévoles.

48.   Cette dernière activité a servi non seulement à inspirer l'idée de programmes radiophoniques fort satisfaisants et d'esprit canadien, mais

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à redresser en partie chez l'auditeur les habitudes passives favorisées par les émissions de type ordinaire. Nous avons rappelé que le Farm Radio Forum, le Citizens' Forum, les Idées en marche et le Choc des idées ont été favorablement accueillis et qu'ils jouissent d'une popularité croissante. Ces émissions ont une grande utilité du fait que, éveillant les facultés critiques des auditeurs, elles tendent à en faire de meilleurs citoyens. Certaines émissions de la série anglaise des « School Broadcasts », conçues d'une façon particulièrement originale, constituent une autre réussite en matière de participation des auditeurs.

49.   L'examen des programmes nous a aussi révélé que les hommages rendus à la radio nationale, au cours de nos audiences, pour l'encouragement qu'elle assure aux Canadiens dans le domaine de la musique et celui du théâtre, étaient pleinement justifiés. C'est là l'un des motifs qui ont présidé à la création de Radio-Canada. Il en est sûrement résulté un plus grand intérêt envers les arts, un sentiment légitime de fierté, d'unité nationale et de confiance en nos propres ressources.

50.   En outre, Radio-Canada rend, à l'échelle nationale, des services semblables à ceux que les postes privés assurent au sein des collectivités où ils sont établis. Nous avons mentionné le désir que l'on a de voir la radio s'intéresser davantage aux célébrations nationales. Il convient, en effet, de se rappeler la valeur d'émissions comme celles qui ont marqué l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération en avril 1949. De nombreuses manifestations canadiennes revêtant un sens particulier font couramment l'objet de radiodiffusions dans tout le pays. Radio-Canada acquitte en outre les frais d'émissions spéciales traitant du travail de sociétés dont l'activité s'étend à tout le Canada, telles que la Fédération canadienne des aveugles, la Société canadienne du cancer, l'Association canadienne antituberculeuse et d'autres. On consacre également des émissions à la Semaine du livre, à la Semaine de l'éducation, à la Semaine de l'Armée et de la Marine, ainsi qu'à plusieurs autres événements de ce genre. Enfin, le Northern Messenger Service fait le pendant des services spéciaux assurés par les postes régionaux dans leur territoire respectif, grâce aux messages personnels qu'il transmet aux agents de la Gendarmerie à cheval, aux missionnaires, aux trappeurs et à d'autres personnes dans le Grand Nord.

51.   Nous n'entendons pas créer l'impression que notre radio nationale a répondu entièrement à l'espoir de ses fondateurs et de ses partisans. Nous avons déjà relevé les omissions et manquements nombreux qu'on nous a signalés. Il paraît à propos de rappeler, encore une fois, la ligne de conduite tracée en 1936 et qui consistait à donner des émissions d'origine canadienne agrémentées des meilleures retransmissions des postes étrangers. Tout en reconnaissant que notre régime national importe largement ce que les États-Unis offrent d'excellent, nous mettons en doute qu'il soit possible de concilier les buts déclarés de la radio nationale et la proportion beaucoup

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trop considérable de romans-feuilletons qu'elle retransmet. D'autre part, il y aurait lieu d'accentuer le caractère régional des émissions et le recours aux artistes locaux. Notre radio nationale, dont l'objet est d'unifier un pays à la population clairsemée, a été accusée, peut-être avec raison, de centraliser son effort dans un grand centre ou deux, où l'organisation des programmes est plus facile. Enfin, bien que le temps restreint qu'on accorde maintenant aux émissions proprement éducatives puisse être jugé suffisant, nous sommes d'avis qu'on prête trop peu d'attention aux besoins intellectuels sérieux des adultes. À vrai dire, le temps consacré aux chroniques (11.2 p. 100 au réseau transcanadien et 12 p. 100 au réseau français) peut soutenir raisonnablement la comparaison avec celui qu'on accorde à la musique sérieuse (16.1 p. 100 et 23.3 p. 100 respectivement). Cependant, il n'est pas exagéré d'affirmer qu'aucune comparaison n'est possible pour ce qui est de l'effort et de l'argent consacrés à ces deux genres d'émissions. Tout en convenant que les émissions musicales exigent nécessairement des frais de production plus élevés, nous nous demandons s'il n'y a pas excès dans la disparité de la dépense. Radio-Canada a courageusement refusé de sous-estimer le talent et le goût des Canadiens dans le domaine de la musique sérieuse. Nous pensons que Radio-Canada pourrait, d'autre part, encourager d'une façon plus appropriée le talent et le goût des Canadiens dans l'ordre purement intellectuel.

52.   Outre l'examen et l'analyse que nous avons faits des émissions du réseau national, nous avons aussi étudié les pratiques suivies dans leurs émissions régionales par les postes privés, surtout ceux qui, tout en fonctionnant sous le régime de règlements arrêtés par Radio-Canada, ne sont pas affiliés aux réseaux nationaux. Ainsi que nous l'avons déjà noté, on n'a pas donné suite au projet primitif qui tendait à exproprier ces postes. On a cru qu'ils pourraient rendre d'importants services au public en servant d'intermédiaire à la réclame commerciale destinée à telle région donnée, en diffusant les nouvelles d'intérêt local, et de diverses autres manières, notamment en encourageant les artistes de chaque région. Incontestablement, semble-t-il, ils ont répondu à cette attente pour ce qui est de la publicité et des nouvelles d'intérêt local. Toutefois, nous avons déjà rappelé les observations qu'on nous a présentées sur la qualité douteuse de leurs autres émissions et le recours trop rare aux artistes du cru. Nous avons constaté le bien-fondé de ces observations. Sans doute, la production des nombreux postes privés varie-t-elle beaucoup de l'un à l'autre; certains fournissent des émissions satisfaisantes et un très petit nombre d'entre eux préparent des programmes vraiment dignes d'éloges. Par ailleurs, un trop grand nombre de postes régis en principe par Radio-Canada, offrent des émissions qu'il faut juger regrettables.

53.   Par exemple, l'étude des programmes de cinq postes, choisis parmi ceux de centres urbains de diverse importance en différentes parties du pays, donne des résultats qui ne cadrent pas avec l'impression générale

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tirée des mémoires et exposés présentés par les postes privés. Ces cinq postes se bornent presque exclusivement à la diffusion d'actualités, de nouvelles sportives, de musique, et la plus grande partie de cette musique est du genre populaire, enregistrée sur disques. Les émissions confiées aux soins d'exécutants locaux restent, tout au plus, dans la banalité. Aucun effort pour remplir le rôle propre à un poste régional, tel que nous l'entendons, et qui est de refléter la vie et les divers intérêts de la collectivité, d'utiliser et de perfectionner les artistes du cru, ne paraît se dessiner.

54.   Citons des faits et des chiffres révélateurs. Un des postes privés sur lesquels a porté notre étude fonctionne dans une grande ville, vingt-quatre heures par jour toute la semaine. Pendant six jours de la semaine, de minuit au matin, et jusqu'à 7 heures du soir, il diffuse nouvelles, commentaires sportifs et musique, interrompus seulement par une chronique quotidienne de dix minutes destinée aux femmes et une revue d'actualités d'un quart d'heure. Les émissions musicales qui remplissent la journée sont faites presque exclusivement de musique populaire enregistrée. Le soir et le dimanche, le programme est un peu plus varié mais se compose surtout d'émissions enregistrées ou de transcriptions électriques en série. Le recours aux artistes du lieu, durant notre semaine d'échantillonnage, se borna à sept heures et cinq minutes de radiodiffusion de jour, sur un total de 133 heures; le soir, on fit appel à la participation personnelle pendant neuf heures et vingt minutes sur trente-cinq heures disponibles, du lundi au vendredi soir. Ce chiffre de neuf heures et vingt-cinq minutes comprenait trois heures et cinquante-cinq minutes de reportage de joutes de hockey. Sauf erreur, ce poste de radiodiffusion est financièrement prospère.

55.   Ce n'est pas là un exemple isolé; c'est plutôt un exemple assez typique de ce qui se passe dans un certain nombre de postes privés. Ces postes vivent de la publicité; les réclames-éclairs y encombrent les émissions jusqu'à la limite tolérée par le règlement. L'analyse des émissions d'un autre poste privé important, établi dans un grand centre, révèle que les annonces-éclairs, au cours des heures où elles sont permises, se produisaient à une fréquence moyenne de cinq par heure. Nous possédons d'abondantes preuves de la coopération amicale des postes privés avec le public et cette coopération peut sans doute motiver le maintien en existence de tels postes dans notre régime national de radio. D'autre part, il ressort de notre étude que rien ne peut justifier les émissions de mauvaise qualité qu'ils donnent. À la suite d'un examen attentif des éléments du problème, nous avons acquis la conviction qu'on ne saurait que très rarement invoquer l'insuffisance des ressources matérielles pour excuser cette méthode peu coûteuse et peu originale d'élaboration des programmes.

56.  Nous devons bien marquer que ces critiques de caractère général visent les postes privés ou indépendants. Les postes affiliés à Radio-Canada, et plus particulièrement les postes de base et les postes supplémentaires “A”, qui transmettent des émissions en réseau, sont en état

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d'offrir aux auditeurs des divertissements plus variés et plus acceptables. Certains de ces postes, mais non pas tous malheureusement, se montrent disposés à profiter des émissions non commanditées et complémentaires que Radio-Canada met à leur disposition. Nous relevons cependant avec regret ce passage du Rapport de Radio-Canada pour 1949-1950 :

« En novembre 1949, a pris fin un service régional de caractère expérimental, inauguré en 1948 dans les provinces Maritimes à la demande de certains postes affiliés. Radio-Canada s'était engagée à acquitter les frais de location de lignes et de production pour une émission hebdomadaire d'une demi-heure qui devait être radiodiffusée par chaque poste participant à tour de rôle. Le plan avait pour objet de procurer aux postes l'occasion de mettre en vedette dans ce réseau des artistes de la région qui auraient pu mériter de se faire entendre par la suite au réseau national. On abandonna la série projetée quand on constata que les postes qui diffusaient régulièrement le programme étaient trop peu nombreux » (28).

57.   Notre étude particulière du sujet paraît donc entériner les observations qu'on nous a présentées dans toutes les parties du pays, selon lesquelles la Société Radio-Canada accomplit de façon satisfaisante, on pourrait même dire, dans certains cas, remarquable, le devoir qui lui incombe de fournir des émissions appropriées et variées, mais qu'elle s'acquitte d'autre part de manière moins louable de sa fonction de régie. Toutefois, la radio nationale a constamment gardé présents à l'esprit les trois objectifs qu'elle doit se proposer dans le champ de la radiodiffusion au Canada : un rayonnement atteignant la population tout entière, la mise en valeur des talents au pays et de façon générale la formation d'un canadianisme de bon aloi, enfin la résistance efficace à l'insertion du Canada dans le cadre culturel des États-Unis. Il reste beaucoup à faire, mais les réalisations des quatorze dernières années sont des plus encourageantes.

58.   Cependant, une dernière critique reste possible à bon droit à l'adresse de la radio nationale et de ceux qui ont épousé sa cause. Les Canadiens ont de l'estime pour leur service radiophonique national, ainsi que nous l'avons démontré; mais nous avons également constaté qu'ils ne comprennent pleinement ni ce régime ni son fonctionnement. Cette incompréhension tient en partie à la complexité de notre système de radiodiffusion, reflet du pays qu'il dessert. Mais le service d'information insuffisant de Radio-Canada en est également responsable et, aussi, l'indifférence des auditeurs dont la satisfaction ou le mécontentement restent trop souvent inexprimés. La réticence de Radio-Canada correspond à la passivité de son auditoire et ceci aboutit à une ignorance généralisée à l'endroit d'une institution essentielle.

*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé.

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