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CHAPITRE XXII*BOURSES NATIONALES[413]DANS un chapitre de la première partie, relatif à l'établissement d'un régime national de bourses aussi bien pour les gradués que pour les sous-gradués des universités canadiennes, nous avons exposé les arguments qu'on nous a présentés en faveur d'une telle initiative. Ces raisons et d'autres, que nous trouvons en de nombreux mémoires émanant de sources fort diverses, nous ont amenés à conclure que le gouvernement fédéral devrait prendre les mesures nécessaires à la distribution de bourses aux gradués et aux sous-gradués. 2. Nous avons déjà exprimé l'avis que l'octroi de bourses aux jeunes Canadiens, étant conforme à l'intérêt public, prend les proportions d'un devoir national. L'importance de la recherche scientifique pour le Canada, que ce soit en vue de la défense du pays ou de la mise en valeur de ses ressources à des fins pacifiques, doit aller de soi. Toutefois, on ne comprend peut-être pas aussi aisément qu'il ne sera possible de trouver le nombre suffisant de spécialistes de la recherche que s'il existe des dispositions appropriées en vue de leur formation, non seulement dans les écoles ou institutions de spécialisation, mais au niveau des sous-gradués. Ces dispositions appropriées doivent comprendre un sage régime de bourses, sans lequel le Canada s'expose à perdre l'apport que peuvent fournir à son bien-être national des jeunes gens bien doués mais qui ont besoin d'être aidés. 3. De plus, indépendamment des progrès matériels que d'habiles
hommes de science pourraient susciter dans tout le pays, nous estimons juste que le
gouvernement national aide les citoyens bien doués qui ne peuvent, faute de moyens
suffisants, recevoir la formation supérieure à laquelle leurs aptitudes les destinent.
Une statistique établie récemment à ce sujet est vraiment déprimante : le second
rapport d'un comité de l'éducation établi par l'Association des manufacturiers
canadiens, document paru en février 1950, souligne ce fait que « sur 100 enfants
canadiens qui entrent à l'école, 22 seulement terminent le cours d'études primaire
supérieur, trois réussissent à parvenir jusqu'au baccalauréat », et que . . .« 54 p.
100 de ceux qui abandonnent leurs études le font pour des raisons économiques ». En 1946, le ministère ontarien de l'Instruction publique découvrait, d'autre part, que 7 p. 100 seulement des jeunes gens qui avaient terminé leurs études primaires et primaires supérieures étaient entrés à l'université. À nos yeux, ce qui est anormal dans cette situation, ce n'est pas tant le pourcentage lui-même mais le fait que rien n'assure que ces 7 p. 100 comprennent les étudiants possédant les plus hautes aptitudes. Il est injuste, il est même dangereux de laisser un si grand nombre de nos jeunes citoyens dans la nécessité d'abandonner leurs études après l'école primaire, pour le seul motif qu'ils ne possèdent pas les moyens de recevoir une instruction plus poussée. Du point de vue social, il nous paraît que les réformes que le gouvernement a accomplies dans le domaine de l'aide à la famille et dans celui de la protection de la santé nationale, depuis une vingtaine d'années, resteront incomplètes et partiellement compromises si elles ne s'étendent pas de façon systématique jusqu'à la formation intellectuelle de la jeunesse. Enfin, n'est-ce pas le devoir de toute démocratie de donner à ses citoyens une égalité raisonnable des chances au départ de la vie ? Quel autre moyen avons-nous qu'un système rationnel et bien coordonné de bourses d'études pour leur fournir cette égalité des chances ? 4. Parallèlement à ces raisons fondamentales qui militent en faveur de l'institution d'un régime de bourses, nous indiquerons quelques autres raisons qui font ressortir le caractère d'urgence de l'aide qu'il y a lieu d'apporter aux étudiants. Comme nous l'avons indiqué dans le chapitre consacré à nos universités canadiennes, l'augmentation des dépenses d'administration de nos maisons d'enseignement qui s'est accompagnée d'une baisse dans les revenus provenant des dons et des subventions a amené une hausse progressive des droits d'inscription. La Fédération nationale des étudiants des universités canadiennes nous a indiqué dans son mémoire qu'en 1947-1948 la moyenne des droits universitaires était de $230 par année et qu'elle avait continué de s'élever. Il y a vingt ans, les frais de scolarité n'atteignaient que la moitié de ce montant. De plus, le coût des manuels et des livres essentiels de référence a monté lui aussi dans des proportions considérables et, enfin, les étudiants sont sujets comme tout le monde à la hausse générale du coût de la vie. BOURSES AUX GRADUÉS Bourses dans le domaine scientifique. 5. Nous avons indiqué les nombreuses raisons d'ordre pratique qui ont porté le gouvernement canadien à stimuler et appuyer la recherche dans les sciences naturelles. Cet appui, avons-nous constaté, est considéré comme un devoir de l'État, devoir dont il s'acquitte en mettant des fonds à la disposition du Conseil national de recherches et de certains départements de l'administration nationale. Depuis longtemps, le Conseil se rend compte que, pour remplir ses fonctions, il doit d'abord aider à la formation de nos hommes de science; le Conseil a donc établi un régime de bourses très élaboré, que nous avons déjà décrit. En conséquence nous recommandons:
Vu l'importance fondamentale des mathématiques et des études apparentées, nous conseillons au Conseil national de recherches d'accorder une attention particulière aux bourses dans ces disciplines. Les humanités, les sciences sociales et le droit. 6. Nous avons examiné également les obligations parallèles que, à notre sens, l'État devrait assumer pour favoriser les arts, les humanités, les sciences sociales et les études juridiques. Nous croyons qu'il y va de l'intérêt national que l'effort du pays dans ce secteur égale au moins, si possible, celui qu'on poursuit déjà dans le champ des sciences naturelles. Notre vie nationale ne réalisera un juste équilibre que si les étudiants en humanités, aussi dégagés des soucis financiers que peuvent l'être les étudiants en sciences, jouissent des avantages d'une formation universitaire et de possibilités de recherches. Nous estimons donc que le gouvernement fédéral a le devoir de fournir une aide financière aux étudiants qui se consacrent aux humanités et aux sciences sociales, afin qu'ils puissent profiter, eux aussi, des mêmes conditions favorables d'instruction supérieure. Ainsi que nous le voyons dans le mémoire de la Conférence nationale des universités canadiennes, le progrès technique de notre civilisation tend à favoriser la formation professionnelle et utilitaire aux dépens de l'instruction libérale, et cette tendance se manifeste très nettement au niveau universitaire. À notre avis, l'octroi de bourses aux gradués bien doués pour les arts, les humanités, les sciences sociales et le droit contribuerait pour beaucoup à redresser cette inégalité déplorable. En conséquence nous recommandons:
7. Dans le chapitre traitant des bourses, à la première partie du Rapport, nous avons exposé assez minutieusement les modalités de distribution, ainsi que le montant des octrois et des bourses accordés par le Conseil national de recherches. Nous sommes d'avis que l'importance des octrois, en vue de travaux spécialisés dans les humanités et les sciences sociales, devrait égaler celle des sommes accordées aux étudiants en sciences au niveau correspondant d'études supérieures. À notre sens, il faudrait, en définitive, donner environ cent cinquante bourses annuelles aux étudiants du niveau prédoctoral, environ vingt aux détenteurs de doctorats qui poursuivent leurs études plus loin et un nombre convenable de bourses pour études spécialisées en droit. 8. Nous croyons qu'il y aurait lieu de distribuer dix bourses spéciales d'une valeur suffisante en vue de travaux ou de recherches d'un caractère plus poussé dans la sphère des humanités, des sciences sociales et du droit. Ces bourses ne seraient accordées qu'à des hommes d'études dont la réputation de maturité intellectuelle est reconnue et qui ont un projet de travail bien précis. Les sommes en jeu pourraient être variables, mais assez considérables pour comprendre les frais de subsistance et de voyage, ainsi que les autres dépenses nécessaires. En conséquence nous recommandons:
On comprendra facilement, sans doute, que des bourses à un niveau aussi élevé ne sauraient produire tous leurs effets qu'au bout de quelques années, à mesure qu'on trouvera des candidats acceptables, désireux d'entreprendre des études très poussées dans le domaine des humanités, des sciences sociales et du droit. Il convient de se rappeler, à ce propos, que le Conseil national de recherches, quand il commença à distribuer des bourses de ce genre dans le secteur scientifique, constata que, pendant un certain nombre d'années, on ne comptait qu'un nombre restreint de candidats, proportionnellement au nombre de bourses disponibles. Nous supposons que les personnes chargées de l'administration du nouveau régime de bourses que nous proposons maintenant, songeront que, vu l'importance de trouver des candidats exceptionnels, il leur faudra peut-être laisser s'écouler passablement de temps avant de pouvoir distribuer largement ces bourses du Canada. Bourses d'échange avec les pays étrangers. 9. Nous avons indiqué, dans la première partie de notre Rapport, que
plusieurs 10. Le Canada s'est montré d'une négligence singulière en matière de bourses d'échange. D'autres, sans doute, partageront l'étonnement que nous avons éprouvé à apprendre que le seul pays envers lequel le Canada ait officiellement manifesté de la générosité dans l'octroi de bourses d'échange est l'Islande, si l'on excepte les divers pays auxquels le Conseil national de recherches a récemment accordé certaines bourses que nous avons déjà mentionnées. 11. Le Canada, il va sans dire, ne pourrait accorder aux gradués des États-Unis un nombre de bourses qui créerait sur ce plan un état de réciprocité absolue. D'autre part, les exigences de la dignité nationale nous imposent l'obligation de créer un régime de bourses qui permettra à un certain nombre d'étudiants étrangers de poursuivre des études supérieures au Canada. Notre pays se trouverait alors en mesure de participer à la réalisation d'un programme permanent d'échange international d'étudiants au niveau universitaire. En conséquence nous recommandons:
BOURSES AUX SOUS-GRADUÉS. 12. Nous entendons par sous-gradués ces étudiants qui suivent dans nos universités et nos collèges un cours d'études conduisant à un diplôme qui leur permettra d'exercer une profession ou d'accéder à des études professionnelles, ou encore d'obtenir un emploi spécialisé. Pour les fins de notre exposé, un étudiant en médecine, en droit, en agronomie, en génie civil ou en chimie est donc un sous-gradué tant qu'il n'a pas obtenu son diplôme final. Il en est ainsi d'un étudiant en histoire ou en lettres de nos facultés des arts dans les universités de langue anglaise et d'un élève de l'une ou l'autre des quatre dernières années du cours d'études dans les collèges classiques. 13. Dans un chapitre antérieur, nous avons mentionné deux cas d'aide fédérale aux sous-gradués: le Plan de formation professionnelle et l'aide d'ordre éducatif aux anciens combattants, accordée par l'entremise du ministère des Affaires des anciens combattants. Par la suite, nous avons exposé les coutumes suivies en matière de bourses en Angleterre, en Australie, en France, puis nous avons résumé brièvement les principaux mémoires qui nous ont été présentés par d'importantes institutions canadiennes d'enseignement, par des groupements professionnels, par les syndicats ouvriers, par des organisations d'ordre confessionnel ou culturel qui s'intéressent vivement à cette question. Les deux plans canadiens précités ont donné d'excellents résultats et tous deux ont été rendus possibles grâce à la collaboration cordiale de toutes les provinces. Et nous avons entendu avec intérêt cette affirmation d'une personnalité canadienne, qu'aucune université n'a été assujettie à la moindre influence de la part du gouvernement fédéral pendant tout le cours de l'exécution du plan ayant pour objet d'assurer aux anciens combattants l'instruction universitaire. 14. Il nous paraît qu'il y aurait lieu de donner une plus large portée au Plan de formation professionnelle, à condition, bien entendu, que, d'après la coutume établie, les gouvernements provinciaux soient consultés et consentent à collaborer à l'exécution de ces nouvelles mesures. À notre sens, dans ce domaine qui intéresse le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ainsi que les universités, il serait utile d'établir un nouveau conseil consultatif qui aurait pour principale fonction de conseiller le gouvernement fédéral chaque fois que l'on aurait à décider de la ligne de conduite et des pratiques administratives relatives au régime proposé de bourses d'études ou de recherches, et de prêts au niveau universitaire. Depuis quelques années il existe un Comité consultatif de la formation universitaire pour les anciens combattants, qui, présidé par le sous-ministre des Affaires des anciens combattants, se compose de représentants du gouvernement fédéral et des universités, un autre comité, composé de représentants du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, présente des avis au ministère du Travail à propos de l'aide à ces étudiants qui, dans le cadre de l'Aide à la jeunesse, bénéficient du Plan de formation professionnelle. Le nouveau conseil dont nous proposons la création ne serait une innovation qu'en ceci qu'il comprendrait à la fois parmi ses membres des représentants des provinces, du gouvernement fédéral et des universités. En conséquence nous recommandons :
15. Parce que les frais de scolarité et les octrois accordés pour des recherches en des domaines déterminés ne réussissent pas à acquitter les frais généraux ni les frais d'entretien des universités, tant que le gouvernement fédéral n'aura pas consenti aux universités l'aide d'ordre général que nous proposons dans le chapitre XXI, ci dessus [sic]. En conséquence nous recommandons:
16. Nous proposons donc, dans le domaine des bourses aux sous-gradués, de donner une plus vaste portée au régime actuel qui est familier au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux et qui fonctionne de façon satisfaisante. Nous ne croyons pas à propos d'indiquer le chiffre précis de sous-gradués qui devraient bénéficier d'une telle aide, bien que, nous estimions que, autant que possible, tout jeune étudiant doué du talent et de la diligence nécessaires doive recevoir une aide suffisante pour lui permettre de se préparer à devenir un citoyen plus utile. 17. On nous a proposé le plan dont l'exposé suit et que nous présentons respectueusement à titre d'indication au gouvernement et aux organismes qui pourraient être chargés de l'administration de ces bourses:
Ces propositions ont le double mérite d'attacher une importance particulière à la capacité et d'encourager les étudiants bien doués qui ont besoin d'aide. On calcule que ce plan, une fois qu'il fonctionnera au complet apportera une aide financière quelconque, à 10,000 étudiants canadiens, c'est-à-dire à environ le cinquième de l'effectif actuel des universités. 18. Ces octrois favoriseraient, en outre, l'échange interprovincial d'étudiants, dont plusieurs mémoires nous ont exposé l'utilité. Point n'est besoin de s'étendre sur les avantages qui pourraient résulter de tels échanges. Pourvu qu'ils soient organisés avec soin et sagement dirigés par les universités elles-mêmes, ils pourraient contribuer pour beaucoup à l'unité nationale. On a obtenu d'excellents résultats d'expériences menées, dans ce domaine, par des organisations telles que la Conférence nationale des universités canadiennes et la Fédération nationale des étudiants des universités canadiennes. On pourrait étendre utilement ces échanges au moyen d'un plan satisfaisant de bourses nationales. BOURSES D'ÉTUDES ET DE RECHERCHES DANS LES ARTS CRÉATEURS ET LES DOMAINES CONNEXES. 19. On aura remarqué que les plans et recommandations précités ne tiennent pas compte des besoins d'un groupe important de citoyens canadiens, c'est-à-dire les artistes créateurs. La plupart ne sont pas étudiants au sens ordinaire du terme, en ce sens qu'ils ne sont inscrits à aucune université; mais ils n'en ont pas moins droit à l'aide et à l'appui de l'État. Il nous paraît indubitablement dans l'intérêt national que certains de nos artistes, de nos écrivains ou de nos musiciens, par exemple, reçoivent une formation et une expérience supérieures dans les pays étrangers; et, de fait, c'est ce qui arrive à quelques-uns d'entre eux, grâce à la générosité d'autres gouvernements ou de fondations privées, notamment aux États-Unis(1). À notre avis, il serait conforme à l'importance et à la dignité de notre pays d'accorder des octrois qui permettent d'abord à nos étudiants prometteurs et à nos artistes réputés d'aller étudier à l'étranger et qui facilitent aussi la venue chez nous des artistes et hommes de lettres de l'étranger. Ce régime d'octrois devrait avoir une portée suffisante pour s'appliquer aux journalistes et à ceux dont l'activité touche à des domaines tels que la production de pièces théâtrales, d'émissions radiophoniques ou de films. Actuellement, il n'existe au Canada, à cette fin, ni fonds ni organisme administratif approprié. En conséquence nous recommandons :
*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé. |