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Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada
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CHAPITRE XI**

LIEUX ET MONUMENTS HISTORIQUES

LA COMMISSION DES LIEUX ET MONUMENTS HISTORIQUES

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SI, comme on le dit dans le décret du Conseil qui énumère les attributions de notre Commission,« il importe que les Canadiens connaissent le plus possible leur propre pays, qu'ils soient renseignés sur son histoire et ses traditions... » la conservation rationnelle de leurs anciens monuments et de leurs lieux historiques doit être l'objet d'une attention constante. Ces monuments et ces lieux évoquent en effet d'une façon pittoresque et mémorable les grands événements du passé ainsi que les préoccupations et la vie quotidienne de nos aïeux. Notre époque est bien différente, mais ne plongeons-nous pas par nos racines dans ce passé ? Les Canadiens de langue anglaise penseront peut-être que l'adjectif « ancien » a une étrange résonance dans un pays si neuf: qu'ils songent à la nuance dont le français colore ce mot et à la rapidité avec laquelle les choses anciennes peuvent s'évanouir, dans un pays qui est jeune mais qui évolue vite. D'ailleurs certains aspects du Canada ne sont pas si neufs. La Saskatoon Archeological Society déclarait que « si l'Âge de pierre paraît lointain en Europe, il semble ne remonter en Saskatchewan qu'à quelques générations en arrière, et que nous pouvons en retrouver les traces sur la configuration des
Prairies ».

2.   Au Canada, lieux et monuments historiques relèvent, pour ce qui est de la juridiction fédérale, du Service des parcs nationaux, qui est rattaché lui-même au ministère des Ressources et du Développement économique. Curieuse disposition sans doute mais qui s'explique par ce qu'on appelle « l'intérêt de l'usager ». Les lieux historiques et les parcs sont un objet d'attraction aussi bien pour les visiteurs étrangers que pour les Canadiens en vacances. D'autre part, les hasards de l'histoire ont fait que souvent ces lieux mémorables sont situés dans les parcs nationaux et qu'ils y sont intégrés. Du point de vue pratique ces coïncidences sont très profitables.

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3.   Le Service des parcs nationaux reçoit renseignements et conseils, sur les questions d'ordre historique, de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, désignée, dans un document officiel : « Organisme honorifique, qui se compose d'historiens reconnus, représentant les diverses provinces » (2). Dans cet organisme on trouve aussi l'Archiviste du Canada et un délégué du Service des parcs chargé de l'organisation des réunions annuelles et des travaux de secrétariat. Les membres de la Commission reçoivent de toute part des propositions concernant le classement, le signalement ou la conservation de différents lieux et de monuments; ils les étudient et soumettent leur rapport au Service des parcs par l'intermédiaire de la Commission. Les soins purement matériels à donner aux monuments et paysages historiques (les « soins de ménage », comme on a dit) reviennent au Service des parcs lui-même.

4.   On emploie deux méthodes dans le traitement des lieux et monuments historiques. L'une consiste à marquer un lieu ou un monument d'une simple plaque commémorative, apposée sur un ancien édifice, sur un cairn d'un genre désormais familier à la plupart des Canadiens, ou encore, sur une pierre ou un bloc posé sur les lieux où se sont déroulés les événements dont on veut perpétuer le souvenir. Le Service des parcs signale que 388 plaques ont été apposées, depuis 1923, réparties entre les provinces de la manière suivante :

Ile du Prince-Edouard 18
Nouvelle-Écosse 58
Nouveau-Brunswick 46
Québec 70
Ontario 119
Manitoba

20

Saskatchewan 8
Alberta 20
Colombie-Britannique 28
Yukon 1

5.   La seconde méthode à laquelle peut recourir la Commission et le Service des parcs consiste à restaurer et conserver les édifices qui se rattachent à quelque période ou à quelque événement de l'histoire. On a entrepris et mené à bien des projets très vastes, indépendamment ou avec l'aide d'autres services fédéraux, de gouvernements provinciaux et de sociétés ou de particuliers. La forteresse de Louisbourg, le fort Anne à Annapolis-Royal, le fort Wellington à Prescott (Ontario), le fort Lennox dans Québec, voilà quelques exemples de travaux de restauration et de conservation d'édifices appartenant à notre histoire militaire. La plupart se trouvent dans les parcs nationaux et contiennent des collections de musée de valeur diverse, qui illustrent leur propre histoire et celle des régions environnantes. L'édifice militaire, dont la restauration fut la plus remarquable de toutes, est le fort Henry, de Kingston, restauré aux frais

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du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial et, aujourd'hui, cédé à bail à la province. Ce ne fut pas là cependant une entreprise du Service des parcs. Nous devons souligner, par ailleurs, que la garde de plusieurs lieux d'intérêt militaire, par les soins du ministère de la Défense nationale, peut constituer un sérieux obstacle à leur bonne conservation, car le ministère s'attache tout naturellement à l'utilité pratique de ces ouvrages et non à leur valeur archéologique.

6.   Ce fut un vaste projet que la reconstitution complète de l'habitation de Champlain à Port-Royal, maintenant à Lower Granville, en Nouvelle-Écosse. Cette entreprise fut amorcée et menée à bien avec l'aide d'amis nombreux et empressés et de groupes bénévoles. Un certain nombre d'Américains ont participé à la mise de fonds et aux recherches archéologiques et historiques. Le lieu précis où s'élevait la maison fut découvert à la suite de fouilles minutieuses. Ce n'est qu'après une étude scrupuleuse des documents et des témoignages de l'époque qu'on décida des dimensions des bâtiments à construire, de leur emplacement et des matériaux à employer. Certains des problèmes posés restèrent d'ailleurs sans réponse. « Quand le renseignement précis ou la preuve directe faisait défaut, la reconstitution ... dut s'appuyer sur des déductions logiques et des probabilités suffisantes » (3). Cette reproduction saisissante évoque les plus anciennes des habitations de type européen bâties sur notre continent, au nord des centres de colonisation espagnole. Leur construction précéda de trois ans l'édification des habitations de Québec et de quinze ans les établissements des Pilgrim Fathers'. Le Service des parcs nationaux signale qu'il a, sous son autorité, un total de 22 bâtiments historiques, originaux ou restaurés, répartis entre les provinces comme suit :

Ile du Prince-Edouard 1
Nouvelle-Ecosse 5
Nouveau-Brunswick

2

Québec 6
Ontario 6
Manitoba 1
Colombie-Britannique 1

POINTS DE VUE DE SOCIÉTÉS HISTORIQUES LOCALES ET AUTRES

7.   On ne nous a chargés que vers la fin de nos audiences d'examiner les travaux de la Commission des lieux et monuments historiques, mais nous avons pu entendre les observations d'une douzaine de sociétés diverses sur ce sujet. Ces opinions témoignaient d'un vif intérêt envers la question et, aussi, d'une attitude quelque peu critique, provenant peut-être en partie d'une connaissance incomplète du sujet. On nous pressait de nous occuper du problème, même s'il n'entrait pas dans le cadre de nos attributions officielles, et l'on prétendait que puisque nous devions faire rapport sur les archives, nous ne devions pas négliger « nos archives de pierre » (4).

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8.   Les sociétés bénévoles ont présenté trois critiques essentielles, sans parler de la question qu'on s'est posé [sic] sur certains travaux de la Commission des lieux et monuments historiques, et dont il sera question plus loin. La Saskatchewan, surtout, exprima ses points de vue avec une vigueur qu'expliquent, dans une certaine mesure, les chiffres que nous avons cités ci-dessus. Elle posa d'abord une question au sujet de la ligne de conduite de la Commission.

« Nous serions bien aise d'apprendre si le signalement des monuments historiques se poursuit suivant un plan déterminé. Nous voulons savoir si les emplacements historiques nationaux sont classés d'après leur ordre chronologique, leur intérêt historique ou leur répartition géographique, et si, généralement parlant, la Commission a songé à l'adoption d'un système quelconque de classement » (5).

9.   La Société qui s'est ainsi exprimée, évidemment, ne possède pas tous les éléments d'information se rapportant à la composition et aux travaux de la Commission; d'autre part, l'analyse de ce qui a été accompli montre que la question peut être posée à bon droit. La Saskatchewan ne possède que 8 des 388 plaques commémoratives du Canada, et les provinces des Prairies n'en ont, à elles trois, que 48. De plus, des historiens locaux de renommée bien établie nous font savoir que la Saskatchewan a quelque 30 lieux historiques et cinq terrains de l'époque de la préhistoire, qui méritent d'être signalés; une bonne moitié des premiers présentant un intérêt plus national que provincial. Il existe, sans doute, des causes évidentes à cette disproportion mathématique entre les provinces, et nous ne mettons par en doute la justesse des raisons qui déterminent les initiatives de la Commission. Néanmoins, nous ne nous étonnons pas qu'on demande l'exposé d'une ligne de conduite générale.

10.   D'autres griefs sérieux, exprimés par la Saskatchewan mais auxquels Québec se joint, portent sur la négligence de la Commission à établir des contacts avec d'autres groupes intéressés, à leur exposer son programme, à les tenir au courant de ses travaux et à consentir à une sorte de délimitation des zones d'intérêt de chacun. Le signalement d'un lieu historique donné, peut, en réalité, être du ressort d'un gouvernement provincial, d'une municipalité ou d'une société privée plutôt que de celui du gouvernement fédéral. La Commission semble l'admettre, par son refus d'apposer des plaques commémoratives sur les églises, même sur celles dont l'intérêt historique est indéniable. Mais, afin d'éviter des doubles emplois et des négligences inutiles, il faut, nous dit-on, qu'un exposé précis du programme à suivre s'accompagne d'un échange constant de renseignements et d'idées. Il semble aussi que les délégués des provinces à la Commission n'aient pas toujours eu des liens personnels suffisants avec les régions qu'ils étaient chargés de représenter.

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11.   Un désaccord qui s'est produit entre la façon de voir de la Commission des lieux et monuments historiques et celle de certaines provinces est révélateur de la difficulté des problèmes susceptibles de se poser dans ce domaine. On se demandait s'il fallait apposer une plaque commémorative sur la maison qui avait servi autrefois de cachette aux contrebandiers américains de whisky, le lieu ayant joui, jadis, d'une réputation considérable. Combien de temps faut-il à l'histoire pour rendre un délit, sinon respectable, du moins digne de mention? À ce propos n'y a-t-il pas lieu d'évoquer la phrase de Renan, que, dans l'histoire de toute grande nation, il y a autant de choses qu'on oublie que de choses doit [sic]il convient de se souvenir ?

12.   On se plaint, enfin, du manque d'exactitude dans les signalements. Un membre de la Commission a bien expliqué, il est vrai, que les repères ne peuvent toujours être placés sur le lieu même de l'événement que l'on commémore :

« Nous ne plaçons pas nos repères avec une précision parfaite; ... sur l'emplacement exact de Fort Gibraltar, se trouve aujourd'hui le dépôt d'ordures de Winnipeg. Il est évident que nous ne pouvions rien mettre à cet endroit. « Tout près d'ici », est une formule que nous devons employer... En Colombie-Britannique, le tracé d'une nouvelle voie publique rejeta une plaque commémorative au fond d'une gorge de vingt pieds; bien entendu, nous l'avons déplacée  » (6).

Toutefois, ces explications ne désarment pas entièrement les critiques. Ceux-ci conviennent que les repères doivent évidemment être posés à des endroits d'accès relativement aisé; mais ils estiment que certains d'entre eux ont été mal placés par pure négligence :

"Des cairns sont mis à quelque distance de lieux historiques, mais sans que rien n'indique l'emplacement exact de ces lieux. Nous pouvons citer en exemple l'érection d'un cairn près d'une rivière, en mémoire d'une bataille... alors que cette bataille eut lieu, en réalité, plus d'un mille et quart plus loin; rien n'enseigne aux curieux que le cairn ne marque pas le terrain véritable du combat "(7).

Ce manque de précision se retrouve dans d'autres endroits. Là où il se motive par des raisons suffisantes, pourquoi, nous demande-t-on, ne pas le faire savoir, en toutes lettres, sur la plaque, et ne pas y joindre, si possible, un plan qui montrerait clairement où est exactement le lieu qu'on veut commémorer.

13.   De nombreux témoignages, provenant de sources variées ont souligné le besoin d'une politique plus largement conçue, qui demanderait plus de recherches et d'argent. On a insisté aussi sur la nécessité de prendre des mesures immédiates pour le traitement des questions les plus urgentes. Les Prairies proposent qu'on accorde davantage d'attention à ces lieux préhistoriques qui, comme nous l'avons vu, évoquent d'une façon exceptionnelle, auprès de leurs habitants actuels, l'existence des hommes de l'Âge de pierre. On nous a indiqué d'autre part l'emplacement d'une bataille fameuse, qui

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mit aux prises, en 1866, Pieds-Noirs et Cris, ainsi que d'anciens camps indiens et de vieux ouvrages de maçonnerie. Parmi les lieux historiques ou préhistoriques, il s'en trouve qui ont certainement autant besoin d'être protégés que commémorés. Ainsi, le champ de bataille de Batoche a bien son cairn. Mais ce n'est que récemment, et peut-être provisoirement, qu'on a protégé de la charrue du propriétaire actuel de cette ferme, les débris de la clôture en ronces qu'édifia Middleton.

14.   La nécessité impérieuse de protéger divers lieux historiques a inspiré bon nombre de plaidoyers en faveur de l'accroissement des mesures de préservation et de restauration, aux dépens des mesures de simple signalement. Sans doute, restauration et préservation occasionneraient-elles des frais beaucoup plus considérables; mais la plupart des sociétés intéressées sont d'avis que ces travaux sont essentiels. Sans vouloir rabaisser le mérite de ce que l'on a accompli, elles considèrent que le but véritable d'une plaque commémorative ou d'un cairn est d'attirer l'attention du public vers un champ de bataille, le lieu où l'on signa un traité, un fort, une église, ou une demeure, mais que, si on les laisse se détériorer ou disparaître, la plus instructive des inscriptions ne sera qu'une fade évocation. L'emploi d'un modèle unique de plaque ou de cairn dans tout le pays et l'habitude d'apposer ces plaques « près du » lieu historique, plutôt que « sur » l'emplacement même, découragent encore davantage ceux qui veulent revivre, d'une façon éphémère, un moment du passé; de plus, l'insipidité des plaques et leur illisibilité ne stimulent guère l'imagination. Par contre, la beauté, la précision des travaux de restauration et de reconstruction déjà réalisés ont suscité une demande en faveur de mesures de conservation plus étendues, par opposition au simple signalement des lieux (8).

15.   On a déploré, d'autre part, que le choix des lieux et monuments à conserver ait semblé favoriser un thème historique donné, aux dépens de tous les autres. Le Royal Architectural Institute of Canada défend avec chaleur la conservation des vieilles demeures d'intérêt architectural, parce qu'elles présentent des mérites historiques égaux à ceux des champs de batailles, tout en étant bien moins coûteuses à entretenir. Pourquoi l'État n'acquerrait-il pas les plus beaux types de vieilles maisons? S'il était impossible de les conserver là où elles se trouvent, on les transporterait dans un de nos parcs nationaux ou dans un cadre rappelant leur emplacement originel. L'examen des dossiers de la Commission des lieux et monuments historiques révèle que, parmi les 22 monuments commis à sa garde, 16 sont des forts militaires, tandis qu'un autre se trouve être un fortin, servant anciennement au commerce des fourrures et bâti selon les exigences de l'architecture militaire. Il est vrai que les forts se conservent mieux que les maisons d'habitation et que l'histoire du Canada ne s'inscrit pas uniquement dans des chroniques pacifiques; malgré tout, cet intérêt exclusif que l'on porte aux ouvrages militaires peut surprendre dans un pays qui se vante volontiers d'avoir la plus longue frontière non défendue du globe.

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16.   Diverses organisations et plusieurs documents qui nous sont venus d'autres sources (9) soulignent le fait que certaines demeures historiques, dont beaucoup présentent un intérêt architectural, disparaissent rapidement. À Québec, la maison Sillery, la plus vieille maison du Canada, a été vendue, nous dit-on, à un particulier qui, fort heureusement, lui donne tous les soins nécessaires, mais au prix de sacrifices financiers considérables. Un autre exemple familier à tous les Canadiens, est celui du célèbre Château de Ramezay, élevé en 1707 par le gouverneur de Montréal et qui fut le siège du gouvernement régional durant de longues années. La Société d'archéologie et de numismatique, de Montréal, veille à la conservation du bâtiment et de la précieuse collection de musée que renferment ses murs, mais au prix de grandes difficultés. Il y a encore à Québec quelques maisons d'avant 1763 (d'ailleurs peu nombreuses), surtout sur la Côte de Beaupré et l'île d'Orléans, mais les incendies et le délabrement en auront rapidement raison.

17.   Bien que Québec seul possède un nombre imposant de demeures remontant au l8e siècle, il se trouve en Ontario et dans les provinces Maritimes de belles vieilles constructions. De plus, l'âge étant chose relative, nous avons constaté, dans les régions les plus neuves du pays, l'éveil d'un vif intérêt pour la conservation des demeures des pionniers. Certaines des plus intéressantes sont des maisons de bois, exposées aux menaces du délabrement, des incendies et de la négligence. « Nos hommes politiques semblent dénués de sens historique », nous a dit un témoin. La Maison Decew, où Laura Secord porta son célèbre message, vient d'être détruite par le feu; en plus de son attrait historique, elle possédait un intérêt architectural indéniable. La maison de Fredericton, où se réunit la première Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, vient d'être jetée à bas, ou va l'être bientôt; et une autre belle demeure d'avant 1820, encore en bon état, est condamnée à la pioche du démolisseur, nous apprend-on. Lower-Fort Garry, au Manitoba, le monument le plus imposant élevé au commerce des fourrures au Canada, a résisté aux ravages du temps, mais appartient à des particuliers(10). La Maison Ross, premier bureau de poste de l'Ouest, au cœur de Winnipeg, a été parfaitement restaurée par les soins de la Historical and Scientific Society of Manitoba; mais la Société n'a pas les fonds nécessaires à son entretien. Le Manitoba est naturellement moins riche en bâtiments historiques que les provinces plus anciennes; cependant, on nous a signalé plusieurs édifices tout à fait dignes d'intérêt. Citons, par exemple, la très vieille Douane d'Emerson; c'est un excellent modèle d'architecture primitive de la rivière Rouge, convoité par les Américains qui veulent la reconstruire de l'autre côté de la frontière.

18.   Les églises et les édifices religieux posent un problème délicat. La Commission des lieux et monuments historiques, comme nous l'avons vu et pour des raisons évidentes, se refuse à en assumer la responsabilité. Toutefois, dans certaines régions où les bâtiments anciens sont rares, ils peuvent être les seuls témoins de l'âge qui les édifia. Nulle plaque ne

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marque encore la vieille église Saint-André et son presbytère, bâtis en pierre, près de Winnipeg, sur la rivière Rouge; et l'on a transformé en garage l'église « en bois rond » des colons de Barr, à Lloydminster, en Saskatchewan.

19.   Terre-Neuve est riche en lieux historiques aussi vieux, sinon plus, que tout autre au Canada. On nous a signalé près de 60 lieux d'intérêt historique général qui attendent que la Commission des lieux et monuments historiques s'en occupe. Il y a, entre autres, l'endroit où débarqua Jean Cabot (le 24 juin 1497); Carbonear, où les premiers colons des îles anglo-normandes produisirent le “charbon” qui chauffait leurs demeures; les vieilles tombes des pêcheurs basques et l'emplacement où s'éleva le château de lord Baltimore, qu'habitèrent David Kirke et d'autres personnages historiques. Cette énumération nous a reporté, non au 18e, mais au l7e siècle, et même, pour un instant, au 15e. La plus récente des provinces canadiennes s'enorgueillit à juste titre de rivaliser en ce domaine avec les provinces les plus anciennes.

20.   La Société historique de Québec nous a signalé un grave problème, en nous exprimant l'inquiétude que lui cause non plus seulement la destruction, mais encore la vente à l'étranger des monuments et des symboles de notre passé. Le destin possible de la Douane du Manitoba comporte une leçon. Des conservateurs de musée et d'autres personnes ont traité de cas analogues. On a proposé que le Canada, suivant en cela l'exemple de la Grande-Bretagne et de la France, déclare ses trésors d'intérêt public pour leur épargner la destruction ou l'exportation à l'étranger. Il va de soi, sans aucun doute, que les champions de ce projet souhaitent que la déclaration d'intérêt public s'accompagne de soins appropriés; sans cela, nous manifesterions un étrange respect pour nos biens historiques en ne les mettant hors de la portée de ceux qui y attachent du prix, que pour les livrer à la destruction et à la ruine.

21.   Nous pouvons dire, pour conclure, que la conservation et le signalement des lieux et monuments historiques du Canada suscitent un intérêt réel, sinon général. On note avec gratitude l'existence de la Commission des lieux et monuments historiques, dont on apprécie les travaux. Cependant (sans parler des critiques d'importance secondaire), l'opinion réclame des efforts plus considérables, particulièrement en ce qui concerne la conservation et la reconstruction; elle demande que l'inventaire de ce qui nous reste encore et qui est digne d'être préservé soit mené plus minutieusement et avec plus de méthode; et qu'une collaboration plus systématique et plus étroite s'établisse entre les diverses autorités à qui incombe cet important devoir national.

*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé.

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